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    Émaho

    Créativité Numérique Participative

    / Mon nom ? Jean Leccia. Ma fonction ? Directeur du développement de l’association émaho et responsable des antennes Ile-de-France et Corse.

 Après avoir travaillé pendant près de 7 ans pour un label de musiques électroniques parisien, j’ai créé et dirigé, de 2004 à 2007, mon propre label à Bastia, Montera Music. À l’époque, nous proposions déjà au jeune public de s’initier à la Musique assistée par ordinateur (MAO) encadrée par des artistes du label.

    Un de ces artistes, Fabien Fabre (9th Cloud) décide ensuite de créer une entité associative à Marseille avec un autre artiste Jonathan Gowthorpe (Vompleud) afin de structurer des activités d’atelier de transmission du savoir à destination des publics dits prioritaires de la politique de la ville. Notre première action s’est faite à Bastia avec la direction du renouvellement urbain et de la cohésion sociale dans les quartiers prioritaires du centre ancien et des quartiers sud. C’est ainsi que trois semaines d’initiation à la MAO ont pu être mises en place tout au long de l’année.

 Parallèlement, d’autres actions se sont déployées en PACA dans les centres sociaux et IME.

    Les premières actions ont été soutenues par les collectivités de Corse et de PACA, par la Fondation de France et par la Caisse des Dépôts et consignations. Pour sa création, l’association a aussi profité du soutien du dispositif Défi jeune et de la couveuse CADO située à la Friche Belle de Mai. Soutenus par plusieurs partenaires, nous avons pu mettre en place en Corse, en PACA et en Ile-de-France différents ateliers en diversifiant les pratiques : MAO, VJing, dessins animés, Beat Box Visuel, ré-interprétation photographique, petits reporters…

    L’implantation dans les territoires est vite devenue une évidence. Nous nous sommes donc organisés afin de mettre en place des projets d’ancrages territoriaux s’adaptant aux besoins des quartiers et apportant à ses jeunes habitants la découverte de nouvelles pratiques numériques créatives. Un projet par région : Cliques Numériques en Ile de France, 1x1x1 en PACA et Bastia Ville Digitale en Corse.

    Cliques Numériques. Photo: D.R.

    // Plus encore qu’un besoin du public, c’est bien l’artiste et sa volonté de transmettre qui est à l’origine de cette histoire. De par son activité et son titre, l’artiste crée des œuvres destinées à un public. La transmission de ces œuvres au public qui la reçoit est un moment crucial dans le cheminement de l’artiste. Un moment de lien, de partage et parfois même de communion. Si nos artistes ont souhaité pousser davantage la relation qui les lie au public c’est parce qu’ils portent en eux cette qualité de transmission, parce qu’une démarche créative est de fait individuel, mais destiné avant tout au collectif.

    Par ailleurs, de par leur statut particulier, les artistes sont plus disponibles pour exercer cette autre activité et en ont pour certains le besoin. Je pense que la conjugaison de ce besoin avec la demande des jeunes en termes d’apprentissage a été un déclencheur important dans leurs rencontres, puis dans l’histoire d’Emaho. Créer une structure associative allant dans ce sens devenait impératif et permettait de jouer un rôle de filtre permettant de sélectionner des artistes ayant une vision pédagogique de leur art et comprenant l’intérêt social de le transmettre.

    Création numérique et lien social vont de pair. Toute création numérique n’est possible que par le lien qui se tisse entre un artiste et des participants, entre les participants eux-mêmes et entre le collectif ainsi formé par les participants et le public lors des restitutions. 

Aujourd’hui, le développement important des pratiques de créations numériques, rendu possible par des outils de plus en plus accessibles, a permis de mettre en place ces moments de rencontres et de créations participatives.

    À divers niveaux, nos actions créatives, citoyennes et sociales permettent une appropriation des outils technologiques. L’enjeu est de faire en sorte que les participants amateurs soient totalement partie prenante de la création. Pour les y aider, l’association ouvre des espaces qui leur sont totalement dédiés et où ils peuvent échanger, comprendre et s’initier aux outils numériques, développer des capacités d’écoute, d’expression, de sens critique et de responsabilité face aux choix à réaliser pour la réussite du projet collectif.

    Notre approche par la création collective favorise l’expression et la réalisation personnelle, ainsi que la confiance en soi tout en demandant un travail de groupe, collaboratif, impliquant dialogue, échange et concessions. Le groupe et l’individu se lient dans des démarches de création amenant à la conception d’une œuvre musicale, photographique, vidéo… de son écriture à sa diffusion. Lors de la diffusion, le collectif partage son œuvre avec un public. L’occasion, une fois de plus, de partager, d’échanger et de parfaire le lien social développé tout au long des actions.

    Citadelle Sonore. Photo: D.R.

    /// Nous travaillons principalement sur deux axes : l’initiation et la formation dans le cadre d’ateliers participatifs, et les mises en situation dans le cadre de nos projets d’immersion. 

Les ateliers participatifs prennent des formes différentes suivant les publics. Ils sont parfois très courts (quelques heures) lorsqu’on parle d’initiation et plus longs (plusieurs jours) lorsqu’on se projette vers de la formation. 

Nos projets d’immersion eux, amènent les participants à intégrer un projet de sa conception jusqu’à sa finalisation.

    C’est dans cette logique que dans le projet 1x1x1, trois groupes d’horizons divers (personnes au RSA, usagers de centres sociaux et élèves d’une école de musique) ont pensé et réalisé un spectacle vivant mêlant art numérique, inventions sonores et prestations scéniques. Cette création a été orchestrée par Franck 2 Louise et encadrée par des artistes professionnels. Une belle rencontre entre artistes amateurs, artistes professionnels, novices et bientôt… avec le public.

 Nous retrouvons aussi cette dynamique dans le projet Bastia Digitale Académie, où 30 jeunes d’horizons sociaux variés doivent écrire, réaliser, produire et enregistrer, en 10 jours d’immersion totale, une émission de télévision qui sera retransmise sur France 3. Cette expérience est rendue possible grâce à l’encadrement de professionnels de l’audiovisuel et à la vision d’artistes réalisateurs, décorateurs, monteurs, etc.

    Toutes ces actions, qu’elles soient dans le cadre d’ateliers participatifs ou des projets d’immersions, rassemblent artistes professionnels et amateurs autour d’une volonté commune de création artistique. Cette approche transversale, véritable ADN du projet associatif, replace l’outil numérique en tant qu’outil d’expression créative dans des contextes aussi variés que la création d’entreprises, l’emploi, la dynamique de territoire, l’insertion, l’innovation ou encore l’orientation des jeunes.

    L’un des projets phares de l’association et qui illustre parfaitement cette dynamique “création numérique/lien social” dont nous parlons, est sans conteste, Bastia Ville Digitale. Projet d’ancrage territorial significatif, il regroupe chaque année sur 2 semaines, des ateliers d’initiation à destination de près de 500 collégiens (les Cliques Numériques), la création participative d’une émission de télévision par 30 jeunes (Bastia Digitale Académie), des rencontres entre les jeunes et les professionnels du numérique (l’Agora Numérique), des soirées festives (Citadelle Sonore et Apéros Digitaux).

    La production de cette manifestation passe par un travail de collaboration construit avec des structures directement impliquées dans l’action sociale comme la Mission Locale, le CRIJ, le Pôle emploi, l’Agence de Développement Economique de la Corse, la Direction du Renouvellement Urbain et de la Cohésion Sociale de la ville de Bastia et bon nombre d’associations locales. Cette émulation est un vecteur de lien social qui commence bien en amont de la production de la manifestation pour se poursuivre jusqu’à l’édition de l’année suivante.

    Citadelle Sonore. Photo: D.R.

    //// L’idée première de notre démarche était de faire profiter du savoir de nos artistes à des jeunes ayant des difficultés sociales pour accéder aux pratiques de création numérique. Pour que la création numérique et le lien social puissent se “plugger” entre eux parfaitement, il y a nécessairement tout un processus, un cheminement que le collectif et l’artiste doivent trouver et éprouver. Les échanges humains qui s’opèrent lors de ces rencontres sont à double sens. Le jeune participant s’enrichissant de ces découvertes et l’artiste de l’intuition créative du participant. Et au-delà de la rencontre “Participant/Artiste”, il s’opère très souvent des rencontres entre les participants eux-mêmes.

    Rencontres parfois inter-générationnelles, mélangeant aussi bien les niveaux de savoir que les niveaux sociaux. Ces moments sont des moments uniques ou toutes ces barrières tombent pour laisser place à un objectif : apprendre à créer.

 Ainsi, je dirais que les spectateurs que nous devenons devant ces rencontres, ce processus, nous a amenés à définitivement faire de cette dynamique une finalité. 

Cette dynamique s’inscrit dans tous les projets que nous mettons en place. Elle est notre point de départ et notre fil conducteur pour la conception de nos projets.

    réponses de Jean Leccia
    Directeur du développement de l’association émaho
    et responsable des antennes Ile-de-France et Corse
    publié dans MCD #72, “Création numérique & lien social”, oct. / déc. 2013

    Émaho > http://emaho.fr/
    Bastia Ville Digitale > https://www.ville-digitale.com/

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