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    “Poïétique” de l’art numérique

    la création à l’ère d’Internet

    Les œuvres d’art numériques – prises comme objet de recherche – constituent un territoire privilégié pour l’analyse conjointe des innovations artistiques et des actions médiatiques contemporaines. L’acte créateur et l’expérience médiatique y sont distribués entre artistes, interfaces numériques, publics et internautes amateurs.

    Cet article propose de questionner ce régime “Poïétique” du Net art et d’en éclairer les figures et métamorphoses contemporaines à partir de la relecture d’une œuvre archétypale : le Générateur Poïétique développé depuis le milieu des années 1990 par l’artiste français Olivier Auber. Quelles sont les incidences de la numérisation de l’expérience esthétique ? Quelles nouvelles habiletés des internautes y sont requises ? Permettent-elles une contribution plus active à l’instauration des œuvres ? Comment le régime du “faire faire” propre au Net art s’articule-t-il à une “poïétique” du côté du public ?

    Le terme “Poïesis” est chargé d’une longue histoire, au cours de laquelle il fait l’objet de multiples redéfinitions et usages — conceptuels autant que pragmatiques — qui l’ancrent dans divers contextes disciplinaires et écoles de pensée. Il est presque impossible, tant la tâche paraît démesurée, de retracer précisément toutes les variations de signification résultant de ce phénomène que Stengers (1987) a baptisé le “nomadisme des concepts”. Au fil de ses (ré)appropriations successives, cette notion va en effet recevoir des significations largement contradictoires. Pourtant, malgré de lourdes transformations, ce terme demeure incontournable pour la compréhension de l’art numérique tant il est réutilisé par les artistes pour informer leur pratique.

    Poïésis et mondes de l’art
    Ses origines étymologiques grecques confèrent au terme de Poïésis le sens premier de “création” ou de “production”, du verbe “poiein” (faire) qui recouvre des acceptions différentes — voire contradictoires — au sein des écrits philosophiques. La philosophie a en effet principalement insisté sur la différence entre la praxis et la poïésis, y voyant deux formes d’action humaine fondamentalement distinctes : alors que dans la poïésis la finalité de l’œuvre technique est une œuvre indépendante de l’action, la finalité de la praxis se trouve dans l’acte lui-même, l’effet ne s’y distinguant pas de la cause qui le produit.

    Dans cette perspective, si la bipartition aristotélicienne ne commet pas encore de distinction entre art et travail, elle clive néanmoins déjà différents genres d’activités et de connaissances humaines. La distinction porte simultanément, 1, sur les choses propres au sujet, soit les “actions” et la connaissance “pratique” (au sens de Kant) — ce niveau définit la Praxis en tant que dispositions à agir accompagnées de règles, impliquant de savoir modifier son comportement —; et 2, sur les choses extérieures au sujet, soit les “objets” et la connaissance “poïétique” — ce niveau définit la Poïésis en tant que disposition à produire, accompagnée de règles recouvrant simultanément le travail, l’artisanat et l’art.

    Ce deuxième terme (poïétique), définit chez Aristote le mode de fabrication comme activité ou connaissance menant à l’existence de choses extérieures au sujet. Dès lors, la praxis (action au sens strict) correspond aux actes (politiques ou moraux) valant par eux-mêmes, là où la poïésis (création) correspond au travail compris comme la production d’un bien ou d’un service qui porte par lui-même de la valeur (1). Kant montrera bientôt que l’art, qu’il définit comme un mélange de travail et de jeu, se distingue du travail de l’artisan (2). Plus tard Hannah Arendt (3) divisera à son tour l’activité productive entre œuvre (poïésis) et travail (praxis) : ici, comme chez Aristote, la poïétique se distingue de la praxis par la fin de l’action ou de l’acte qu’elle présuppose.

    Selon cette visée (4), la finalité de la poïétique est extérieure à celui qui fabrique, comme à son action, et la fin de la production est alors séparable du producteur. Pour la praxis au contraire, la finalité est interne à l’action dont elle ne peut être séparée, le fait de bien agir étant ici le but même de l’action. Selon cette conception, sur laquelle nous reviendrons, ce qui spécifie l’œuvre vis-à-vis du travail est que celle-ci est tout entière tendue vers une fin : elle est la réalisation d’une activité productive intentionnelle et signifiante, là où le travail n’est qu’action et répétition d’une tâche récursive sans visée de clôture. Aux choses incessamment (re)fabriquées par le travail s’opposent ainsi les Œuvres, au sens strict du terme, comme le produit ou le résultat d’un acte intentionnel inscrit de ce fait dans le domaine de la poïésis. Dit autrement, le travail n’a pour but que d’assurer la satisfaction des besoins sans cesse renaissants, à l’inverse de l’action, qui n’est liée à aucune nécessité biologique ou sociale, et qui donc, n’est point soumise à des impératifs vitaux.

    Mais la richesse de l’analyse aristotélicienne résulte principalement de sa tentative de liaison entre science et action : on y trouve en effet plus que de simples dichotomies binaires entre praxis et logos, entre praxis et theoria, entre prattein et poein ou entre praxis et poïesis. Le terme de poïésis introduit ainsi une première acception de l’idée de processus, puisqu’en mettant l’accent sur la production artistique comme œuvre, il souligne et caractérise également “l’acte” lui-même et montre et souligne de ce fait le “travail artistique”. L’acte de production y est intentionnellement et à priori dirigé vers la création d’une œuvre valant par et pour elle même qui, qu’elle soit ou non objectale, apparaît de ce fait comme l’aboutissement de l’acte. Or selon nous, ce postulat de clôture de l’œuvre mérite lui-même d’être reconsidéré. Car avant même qu’il ne soit question d’interactivité ou de participation à l’œuvre de la part du public — éléments qui caractériseront de nombreuses installations en art contemporain, qui vont trouver une radicalisation quasi principielle par la fréquentation des dispositifs du Net art —, les notions d’autonomie et d’étirement temporel de l’œuvre viennent relativiser ces premières propositions.

    Poïésis ou partage de la génération artistique
    Le Générateur Poïétique d’Olivier Auber (5) présente une figure idéaltypique de ce rapport aux œuvres d’art orchestré par un dispositif élaboré de captation du public. Inspiré du “jeu de la vie” de Conway (1976) le Générateur Poïétique permet à un grand nombre de personnes d’interagir individuellement en temps réel sur une seule et même image collective. Il s’agit en effet d’un jeu graphique où chaque joueur qui se connecte dispose d’un petit carré juxtaposé à celui des autres joueurs. En plaçant ses pixels colorés dans l’espace qui lui est alloué, en les juxtaposant à ceux des joueurs connexes ou en faisant écho au dessin des autres joueurs, chacun contribue à la réalisation d’un dessin collectif qui est constamment en évolution.

    La participation à cette expérimentation collective en temps réel est orchestrée par un contrat très contraignant, nécessitant de la part des internautes une disponibilité et une implication importante. L’annonce de l’événement se fait par E-mail et engage une prise de rendez-vous ponctuel visant à partager dans le temps et dans l’espace la réalisation d’une image collective. Le Générateur Poïétique permet ainsi à plusieurs individus de se connecter à un moment donné sur un site, dont le lieu et l’heure du rendez-vous avaient été préalablement fixés par courrier électronique. Chaque participant doit avoir, suivant les recommandations préalables de l’artiste, procédé au téléchargement, à l’installation et apprentissage d’un logiciel de dessin bitmap. Respectant l’heure du rendez-vous soigneusement consigné dans son agenda, l’internaute est invité à rejoindre d’autres participants anonymes dans l’objectif d’un dialogue interfacé.

    Le résultat est ici le processus de communication lui-même, à travers l’action collective de composer une image. Autrement dit, l’action de chacun, visible simultanément par l’ensemble des participants, y détermine l’état de l’image à un instant donné, comme résultat de l’action de tous. Le Générateur Poïétique laisse ainsi entrevoir deux mouvements dont le titre même indique très bien la voie : 1, l’œuvre se trouve moins dans l’image que dans le dispositif qui l’a fait exister; 2, le processus collectif importe ici bien plus que le résultat. Il y a bien un générateur qui renvoie au dispositif de création au sens pragmatique du terme dont nous avons préalablement restitué le caractère polysémique. Mais ce générateur est poïétique, dans le sens où aménage bien une action artistique nouvellement partagée avec le public. C’est donc à l’articulation pragmatique de ces deux notions — dispositifs et poïésis — qu’invite l’artiste Olivier Auber.

    À cet égard, le terme de poïésis est lui-même augmenté d’une perspective dynamique, visant à rendre compte de l’histoire, ou du devenir — au sens de la genèse —, de l’œuvre d’art. Mêlée au souci de saisir l’activité plutôt que l’objet lui-même, cette nouvelle injonction ne manque pas de souligner le caractère processuel de l’œuvre : ses investissements et changements successifs, engageants des objets et des humains au cours de la pratique. Le quatrième chapitre de la sixième partie de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote, décrivait déjà ainsi l’historicité des choses poétiques : les choses qui peuvent être autres qu’elles ne sont comprennent à la fois les choses qu’on fait et les actions qu’on accomplit.

    Ce qui, autrement dit, vise à (Ré)introduire au cœur de la pratique artistique le contingent “devenir” de l’œuvre. Dès lors, si la disposition artistique à produire concerne toujours un devenir : s’appliquer à un art, c’est considérer la façon d’amener à l’existence une de ces choses qui sont susceptibles d’être ou de ne pas être, mais dont le principe d’existence réside dans l’artiste (le facteur) et non dans la chose produite. L’art en effet ne concerne ni les choses qui existent ou deviennent nécessairement, ni non plus les êtres naturels, qui ont en eux-mêmes leur principe. Ce double attachement au devenir de l’œuvre ainsi qu’à l’activité dans lequel il s’origine est alors ce qui fait la spécificité de la Poïésis : un accident de la nature produit par l’homme. Mais si ce modèle réintroduit bien une certaine dynamique de l’activité artistique, il se déplace sans doute trop hâtivement de l’œuvre vers son producteur, sur lequel est désormais focalisée l’attention analytique. Néanmoins, cette analyse présente pour nous l’intérêt de déplacer la causalité du phénomène “œuvre d’art”, d’une causalité naturelle vers une causalité technique ou culturelle, et simultanément, elle permet d’analyser la multiplicité des rapports à l’œuvre rapportés aux différents temps de sa réalisation.

    D’une portée heuristique analogue, la relecture des travaux de Paul Valéry paraît offrir, en regard de la vision “contextualisée” et instrumentale qu’ils promeuvent, des éléments de compréhension de la pratique poïétique immédiatement transposables aux contextes médiatiques contemporains. À travers ses Cahiers notamment, Paul Valéry apparaît rétroactivement comme le penseur d’un certain pragmatisme. La science expérimentale de Paul Valéry (1871-1945) promeut ainsi une Poïésis (6) “en projet”, un “esprit de laboratoire” qui sous-tend : d’une part, l’étude de l’invention et de la composition, le rôle du hasard, celui de la réflexion, celui de l’imitation, celui de la culture et du milieu ; d’autre part, l’examen et l’analyse des techniques, procédés, instruments, matériaux, moyens et supports d’action (1937).

    À l’écart des qualifications du génie artistique et de l’art comme œuvre “d’inspiration” — qui réifient la conception de l’objet-œuvre ontologique, rendu par là même hermétique à toute investigation analytique — Valéry suggère d’appeler poïétique la science (à venir) des processus de création. Ainsi focalisée sur les coulisses de l’œuvre, l’analyse de la créativité montre alors le travail artistique en situation, c’est-à-dire les moyens et modalités de l’action artistique et de la mise en œuvre d’art. L’accent est porté sur les activités humaines, aux prises avec des techniques et des objets dans le but de faire œuvre d’art : tout est en présence, tout en échanges mutuels et modifications réciproques (…) une intelligence qui organise un savoir en s’organisant elle-même (7). Inaugurant de la sorte une (pré)science de la transformation et de la variation, ces recherches engagent une combinatoire de pensée et d’action où la méthode fait successivement appel à des modèles empruntés aux mathématiques — envisagée désormais comme une science des relations (la topologie, les groupes, la probabilité) —, ainsi qu’à la physique (la thermodynamique, l’électromagnétisme et plus tard, la relativité).

    Pré-sciences constructivistes dans le sillon desquelles on peut lire une anticipation des modes relationnels du Net art, où : le système observant se construit en permanence dans et par l’interaction du sujet observateur-modélisateur et du phénomène observé et donc expérimenté (Le Moigne, 1994) (8). En substituant ainsi au postulat d’objectivité, un postulat de projectivité. Ce déplacement analytique reconduit un “art de penser » qui n’est pas celui de la logique déductive qui ne produit qu’une sorte de “reconnaissance platonicienne”, mais celui qu’exprime l’exercice de “la découverte dans le construire”, de la raison s’exerçant à transformer, à distinguer et à évaluer (…), cette démarche visant à rendre compte d’une activité de conception selon laquelle la pensée du moyen pour construire devient le moyen de penser (Signorile, 1999).

    Ce constructivisme valeyrien est ainsi rattaché aux (dites) “nouvelles sciences” de l’action et de la cognition, dont le dessein consiste à saisir la complexité des activités de connaissance et de création. Aujourd’hui, de nouveaux courants de recherches font usage de ce texte, parmi lesquels on trouve entre autres tout un pan de la biologie contemporaine et des sciences cognitives : un système autopoïétique est organisé comme un réseau de processus de production de composants qui (a), régénèrent continuellement par leurs transformations et leurs interactions le réseau qui les a produits, et qui (b), constituent le système en tant qu’unité concrète dans l’espace où il existe, en spécifiant le système topologique où il se réalise comme réseau (9).

    Poïésis et numérisation de l’expérience esthétique
    Le concept touche également tout un pan des sciences humaines, dont la sociologie de l’action et des innovations où il assigne à l’analyse de la pratique artistique une dimension pragmatique. La poïétique peut trouver une résonance dans cette volonté croissante de compréhension de la “pratique” artistique ou du travail artistique. À condition d’éviter l’écueil de la dissymétrie analytique dont sont empreintes de nombreuses études de sociologie de l’art : entre d’une part, l’examen des conditions sociales de production et de réception du fait artistique, et de l’autre, l’étude d’une esthétique de l’œuvre ontologique (10).

    À l’instar aujourd’hui de nombreux sociologues de l’art qui ont souligné ce double écueil consistant à chercher les causes du phénomène esthétique dans ses conditions sociales externes (les déterminismes sociaux), ou dans l’œuvre “en elle-même”. Ce que recouvre la double interprétation controversée de l’art comme reflet du social (approche externaliste) ou de l’art comme révélateur du social (approche internaliste). Dès lors, à l’écart des points de vue herméneutiques ou esthétiques (11), la Poïétique du Net art doit être attentive aux déplacements que cette pratique de conception partagée entre artistes et informaticiens, dispositifs techniques et publics, promeut notamment quant à la localisation de l’œuvre (sa dis-location). Les modalités de sa désignation et de ses appropriations, cadrées tout à la fois par le contexte et la situation de production, sont sans cesse (re)ajustées dans le cours de l’action.

    Couplée au contexte de production du Net art, la poïétique semble davantage cet “entre-deux” qui, du fait de son manque à caractériser une fois pour toute l’œuvre, l’artiste et le public, suivant des rôles et des positions à priori, permet de concentrer l’examen sur la circulation des uns vers les autres. En ce sens, il s’agit bien davantage ici d’usages — ou de pratiques (12) — inscrits dans et autour des “objets artistiques” dont il peut être parfois difficile de dire à priori s’ils sont l’œuvre, sans examiner comment (où et pour qui) ils font faire l’œuvre. La poïésis n’apparaît pas ici strictement séparée de l’action, elle en déploie au contraire les possibles en créant un espace d’opération (ou d’expérimentation) qui conduit à ce qu’une chose (un objet, une image, un mot) ne soit jamais donnée pour ce qu’elle est (isolément), mais pour ce qu’elle peut être (dans une relation).

    L’entre-deux du dispositif poïétique réintroduit en effet une certaine plasticité entre l’idée d’une structure ou d’un ordre homogène et l’approche réticulaire mettant en évidence le flux généralisé des ensembles complexes ouverts, plus proches de l’indifférencié ou du chaos. Et par conséquent, le dispositif poïétique oscille entre l’idéalisation d’une production esthétique délimitée, attribuable à un auteur singulier, porteuse de sa facture et de sa sensibilité individuelle, et le produit des usages qu’elle génère, résultant de ses appropriations et expérimentations par autrui. Ces dernières pouvant travestir et altérer considérablement la forme et les significations initialement déposées par l’artiste.

    Le mouvement pragmatique montre ainsi que l’objet œuvre n’est pas une entité pleine des intentions de son auteur qu’elle ne ferait que traduire, et son destinataire n’est plus le récepteur vide et passif de ses effets préfigurés qu’il ne ferait qu’épouser pour mieux en contempler l’équilibre (13). À l’opposé, ce n’est pas plus le regardeur qui fait l’œuvre, envisagée comme une entité organique disposée par un créateur démiurge et désintéressé. Ces deux acceptions sont des visions idéalisées, qui ne peuvent surgir qu’a posteriori et qui ignorent les multiples activités et ajustements qui concourent à la construction collective d’une stabilité toujours éphémère des énoncés et des formes. Créer au sein d’un langage constitué cet “espace d’interprétation” revient en effet à faire œuvre de poïétique : en délogeant les formes de leur “résidence” habituelle pour les entraîner dans un ailleurs, un au-dehors expérientiel de l’œuvre.

    Jean-Paul Fourmentraux
    publié dans MCD #73, “La numérisation du monde”, janv. / avril 2014

    Jean-Paul Fourmentraux est docteur en Sociologie. Maître de Conférences. Habilité à diriger des recherches (HDR) à l’Université de Lille (laboratoire Geriico) et à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris. Il est l’auteur des ouvrages : Art et Internet, CNRS Éditions, Paris, 2010 –, Artistes de laboratoires, Hermann, Paris, 2011–, Art et Science (dir.), CNRS éditions, Paris, 2012–, L’Ère post-media, Hermann, Paris, 2012–, L’œuvre commune, affaire d’art et de citoyen, Les Presses du réel, Dijon, 2013–, L’œuvre virale, La Lettre Volée, Bruxelles, 2013.

    (1) Autrement dit, selon Aristote la poïésis est (1) “action de faire” en fonction d’un savoir, et (2) production d’un objet artificiel, posé en dehors : une œuvre.

    (2) L’art se distingue aussi de l’artisanat; l’art est dit libéral, l’artisanat peut également être appelé art mercantile. On considère le premier comme s’il ne pouvait être orienté par rapport à une fin (réussir à l’être) qu’à condition d’être un jeu, i.e. une activité agréable en soi; le second comme un travail, i.e. comme une activité en soi désagréable (pénible), attirante par ses seuls effets (par exemple, le salaire), qui donc peut être imposée de manière contraignante. Kant, Critique de la Faculté de Juger, Folio Essais, p.43

    (3) Arendt, H., La condition de l’homme moderne, Presses Pocket. 1983.

    (4) On peut lire chez un nombre important d’auteurs — Kant, Montaigne, Rousseau — les conséquences de cette distinction fondamentale entre la praxis (action productrice, plus ou moins aliénante) et la poïésis (expression de soi, plus ou moins pure et libre). La poïésis — qui a donné son nom à la poésie — qualifiant ici l’activité libre (et créative) de l’être humain qui n’est pas subordonnée aux contraintes de la subsistance.

    (5) Olivier Auber, Générateur Poïétique, http://poietic-generator.net; Olivier Auber, “Du générateur poïétique à la perspective numérique”, Revue d’esthétique 39, 2001; Anne Cauquelin, Fréquenter les incorporels. Contribution à une théorie de l’art contemporain, (p.107), Paris, PUF, 2006.

    (6) Cf. Patricia Signorile, Episteme et Poïésis, en projet… : ou l’esprit de laboratoire dans les Cahiers de Paul Valéry, In Rencontres MCX, “Pragmatique et complexité”, 17 et 18 juin 1999. > www.mcxapc.org/ateliers/21/doc8.htm. Voir également, Patricia Signorile, Paul Valéry, philosophe de l’art, Vrin, 1993.

    (7) Paul Valéry, Cahiers, éd. C.N.R.S., Vol. XIII, p. 273

    (8) Cf. Jean-Louis Le Moigne, Le Constructivisme, tome I, Des fondements, ESF édition, 1994, pp. 122-123.

    (9) Francisco J. Varela, Autonomie et connaissance : essai sur le vivant, Seuil, coll. La couleur des idées, Paris, 1989, p.45.

    (10) De nombreux sociologues ont souligné, à la suite de Pierre Bourdieu (Les règles de l’art, 1992), la nécessité de dépasser ce double écueil de la “première” Sociologie de l’art, pour s’intéresser à l’acte artistique ou aux médiations de l’œuvre, et parfois (plus timidement) à l’œuvre “elle-même” : voir notamment Passeron, J.-C., “Le chassé-croisé des œuvres et de la sociologie”, In Moulin. R., Sociologie de l’art, L’Harmattan, coll. Logiques Sociales, 1986. Hennion, A., La passion musicale : une sociologie de la médiation. Paris, Ed. Métailié, 1993. Péquignot, B. Pour une sociologie esthétique. Paris : Éditions L’Harmattan, 1993. Heinich, N. “Pourquoi la sociologie parle des œuvres d’art et comment elle pourrait en parler”. Sociologie de l’art, n°10, p.11-23, Éd. La lettre volée, 1997.

    (11) Le terme d’Esthétique est inventé au 18ème, par Baumgarten, un disciple de Leibniz, d’après l’étymologie “aisthétikos” (qui peut être perçu par les sens); ce dernier visait à classer l’art ou les beaux-arts dans le domaine de la connaissance, en leur donnant une place intermédiaire entre la pure sensation (confuse, obscure) et le pur intellect (clair et distinct). Chez Kant, l’esthétique désigne la réflexion sur le beau et sur le goût; chez Hegel, il comprend la philosophie de l’art en général.

    (12) Par exemple selon Jacquinot-Delaunay (1999), si les notions d’usage et de pratique sont souvent employées indifféremment cela ne devrait pas nous faire oublier que l’un est plus restrictif que l’autre : l’usage renvoie à la simple utilisation — fut-elle d’une machine complexe — tandis que la pratique intègre à cette dimension, les comportements, les attitudes et les représentations, voire les mythologies, suscités par l’emploi des techniques — dont la pratique Internet rend particulièrement bien compte à l’heure actuelle. Cf. Jacquinot-Delaunay, G., Monnoyer, L. (dir.). “Le dispositif. Entre usage et concept”. Hermès, n°25, p.10. Édition du CNRS, 1999.

    (13) Cf. Hennion, A., Méadel, C., Les ouvriers du désir : du produit au consommateur, la médiation publicitaire, In Beaud, P., Flichy, P., Pasquier, D. et Quéré, L., (ed.), Sciences de la communication, pp.105-130. Paris, Réseaux-Cnet, 1997.

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